Croquis du motif principal de Gua Harto avec des hommes/animaux...
Récit de la découverte
de mai 2006
Kebupati Berau, Kalimantan Timur, Indonésie
BALIKPAPAN,
30 mai2006
Je rentre
d'un court séjour à Bornéo, initialement pour participer
à un tournage de la BBC sur Bornéo ("Borneo Expedition", BBC, 2007), dont un épisode
est consacré à nos chères grottes ornées
de Kalimantan. Mais l'occasion était trop belle de rester sur
place et prospecter un secteur tout nouveau pour nous, le karst le plus
à l'ouest des massifs karstiques de Sangkulirang.
Sur la
foi de quelques infos transmises par Pindi Setiawan, à propos
de possibles grottes avec des mains dans le secteur de Berau, nous avons
(le spéléo indonésien Toing et moi-même)
retrouvé les informateurs en question, qui en fait n'en avait
jamais vu de leurs propres yeux, mais savaient que certains connaitraient
au moins deux grottes avec une main dans chaque !
Bref, nous
sommes partis à pied avec six chasseurs locaux, des Dayaks plus
ou moins encore Dayaks (!), et la première grotte a tenu ses
promesses : il y avait bien une main en négatif, rouge-orangée,
et puis une autre noire, et deux (rouge) et trois (orangée)...
et pas mal de vestiges de peintures, sur une paroi écaillée
par l'érosion et les nids de guèpes-maçonne. Intéressant,
cela faisait une grotte de plus dans un secteur plus à l'ouest,
sur un bassin versant orienté vers la Mahakam... mais assez décevant
pour le résultat purement archéo...
Cette grotte
traverse de part en part le petit massif karstique où elle se
trouve, 80 m au-dessus de la plaine. Par le porche opposée, on
a eu une vue superbe sur le complexe karstique situé à
l'est... impressionnant. Et surtout, du porche j'ai pu observer une
barre karstique (chapeautée par de superbes cônes karstiques)
truffée de cavités. J'ai demandé au guide s'il
les connaissait : "non, mais j'irai voir tout à l'heure!"
Pour le
soir, nous installons notre camp dans un abri sous roche qui se trouve
être au pied de cette barre karstique. Une série d'abris
secs en pied de falaise domine une belle résurgence karstique
qui sourd, cristalline et fraîche, entre des blocs de plusieurs
mètres. Sur la gauche, un porche couvert de mousse se connecte
avec une grotte qui traverse la montagne de part en part, sur 500 m
de parcours (mesuré avec mes pas). Une vraie belle grotte, avec
des formes de creusement en régime noyé, des pendeloques
de calcaires, des concrétions... et un sol en argile sec, mais
aucun vestige archéologique.
Ressortant
de cette visite, notre guide improvisé rencontre par hasard son
fils qui chassait dans le secteur (armé d'une lance, habillé
d'un seul short rouge, comme un vrai Dayak qu'il n'est pas!) et ensemble,
ils partent baragner dans la montagne, tandis que le riz cuit. Il revient
tout excité : il a vu "plein de mains, des petites mains,
très jolies, et de couleur blanche"...
Le riz
avalé, nous repartons sans tarder. L'escalade se termine à
la verticale, mais heureusement, un arbre a eu la bonne idée
de planter ses racines sur 15 m de longueur dans la falaise, et elles
fournissent de solides poignées.
Nous entrons
dans la grotte, tout excités : il y a des mains, partout, mais
surtout, des peintures représentant des animaux comme nous n'avions
encore jamais vu : un lézard très géométrique
de près d'un mètre (sans la queue, qui a été
érodée) encadré par des mains décorées
de points, de coches et autres motifs symboliques ; un mammifère
d'un mètre d'envergure, avec des espèces de cornes rectilignes
(mais malheureusement la partie de la tête de l'animal est manquante,
on ne sait si elles se raccordaient réellement au corps ou si
ce sont des "jambes" humaines en V et à l'envers !),
qui pourrait être un cochon ou un cervidé ; une représentation
d'un "banteng" (bovidé sauvage); une tortue... des
mains en opposition recouvertes de points ; quelques anthropomorphes
"masqués" et d'autres très stylisés...
etc, etc. En tout 150 mains, dont des mains d'enfants, ont survécu
à l'érosion, et une quinzaine d'autres motifs, ce qui
en fait la 4e grotte de Bornéo en richesse et en variété
des peintures.
Du coup,
nous sommes restés un jour de plus et nous avons étudié
et relevé les peintures. La prospection dans le secteur ne fait
que commencer.
La nature
y est préservée, la forêt n'a pas ou peu brûlé
et la biodiversité semble respectée, les animaux signalés
sont légion (orang-outans, gibbons, banteng, cervidés...)
Le karst est très prometteur, des systèmes hydrologiques
nouveaux semblent à étudier et explorer. Encore une fois,
nous sommes les "premiers" à étudier la zone.
Enfin, sur le plan archéo, cela semble plus que prometteur.
Luc-Henri
Fage
Photos
© Luc-Henri FAGE
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